Chapitre 74

Enki somnolait un peu en conduisant. Il savait que c'était dangereux, mais il était fatigué. À son âge, on doit faire attention. Et puis le sanglier ne va pas si vite. Ah tiens, si, il va vite. Et c'est étrange. De plus, il a une blessure à la patte. C'est incompréhensible. Et il n'aimait pas les mystères qu'il ne comprenait pas. Il n'y avait qu'un moyen pour le savoir.
Il stoppa brusquement la carriole, et tout le monde tomba à terre (plutôt à plancher, il est vrai). Enki descendit, sourd aux interjections plus ou moins intraduisibles pour quelqu'un de poli. Il regarda le sanglier, et surtout sa patte. Ses muscles étaient endoloris, et il était essoufflé. L'enutrof leva ses yeux dans ceux de l'animal. Ils étaient étranges. Pourquoi ? Il n'aurait su le dire.
Terkës s'affolait un peu intérieurement. La carriole était arrêté, et le corbac arrivait à grandes ailes. Si on ne partait pas, tout le monde le verra. Il fallait faire quelque chose...
Enki vit sur le corps du sanglier une sorte de tâche d'encre. Elle lui faisait penser à quelque chose, mais il ne savait pas. Il leva les yeux dans la carriole, ou les passagers commençaient à se relever, certains en se massant quelques partis corporelles endolories. Terkës était le premier debout. Il regardait un corbac. Un corbac assez étrange. Et le tatouage de Terkës, il lui semblait l'avoir déjà vu quelque part, mais il ne savait pas.
"La fatigue sans doute", se dit Enki. Quand soudain, il y eu un tilt dans son esprit. Il regarda la tâche du sanglier, puis le tatouage du sacrieur, puis la tâche, puis le tatouage. Ils semblaient rigoureusement identiques, l'un en beaucoup plus petit bien évidemment. Et le corbac. Peut-être une illusion. Non, peut-être en a-t-il peur, comme beaucoup de monde. Non, le corbac n'est qu'une coincidence. Mais il fallait le garder à l'oeil. D'autant plus que tant d'altruisme envers le monde avec des paroles ne pouvait être sincère qu'avec des eniripsas, mais jamais des sacrieurs. Il faudra le garder à l'oeil.
Enki remonta prestement dans la voiture.

• Qu'est-ce que c'était ? demanda Somenith.
• Rien, rien du tout...

Il repartit au galop. Le sram, le sacrieur... Il ne serait pas étonné que le nouveau iop également...
Après quelques minutes, il y avait encore un quart d'heure avant d'arriver à Tagors. Il prit son phorreur immature, et lui dit discrètement :

• Ce sacrieur peut être quelqu'un de mal intentionné. Il va falloir le surveiller. Donc, voici le plan...