Chapitre 76

Soudain, la carriole freina, et le vieil enutrof qui la dirigeait descendit pour examiner le sanglier des plaines qui apparemment allait très vite... Trop vite. Et il en était malheureuseument de même pour le cadran-corbak qui s'approchait de secondes en secondes. Terkës regarda d'un air apeuré son messager, qui allait bientôt le rejoindre. Il allait bientôt être démasqué, et son plan machiavélique serait réduit à néant...
Soudain, le chariot redémarra, reprenant la distance qui séparait le sacrieur de sa fin. Celui-ci se retourna, adressant un remerciement au chasseur de trésor qui lui lançait un regard plein d'appréhension. Il se méfait de quelque chose, sans aucun doute... Feignant l'incompréhension, le partisan de la douleur se retourna, observant la route qui filait derrière eux...
Après un long quart d'heure, le groupe pénétra enfin dans la fameuse ville de Tagors. Ses rues bondés, ses maisons débordés, ses enfants à moitié nu courant dans les rues, ces catins vendant leurs services en pleine journée... Oui, c'était bien Tagors. L'odeur pestilentiel des nombreuses autres créatures tirant diligences, calèches et marchandises emplissait la citée à chaque instant, donnant l'impression de se trouver dans une porkasserie. De ses yeux habiles, le disciple masochiste put apercevoir de nombreux brigands accomplirent des méfaits, de nombreux "gosses" volaient les marchands... Et la milice n'intervenait jamais. D'ailleurs, n'importe qui aurait eu l'impression que ses huits seuls représentants se trouvait à la porte d'entrée si le plus beau et le plus grand des bâtiments de la ville n'aurait pas été leur caserne... Caserne dont le général était certainement un tyran, comme dans la plupart des citées mal fâmées du Monde des Douzes.
Mais toute cette agitation avait au moins un avantage. Outre le fait de camoufler le groupe (qui ne resteraient pas longtemps très discret car, à Tagors plus qu'ailleurs, les murs avaient des oreilles...), il bloquait l'accès au cadran de Kipem, permettant ainsi à son allié de reçevoir son message au meilleur moment. Décidément, cette ville était parfaite...

Après plusieurs heures passées à chercher une auberge descente, ils en trouvèrent une répondant au doux nom du "Piou Massacré", où le toit tenait assez bien en place, où les bandits et autres roublards n'occupaient pas toutes les chambres, et où la bière avait moins un goût de vomi de Bouftou que les autres.
Evitant les nombreux crachats et autres Rats morts jonchant le sol, Terkës réussit enfin à pénétrer dans sa crasseuse chambre. Un lit qui aurait était plaisant si son matelas n'était pas aussi dur que du fer et infestés de jeunes larves en pleine croissance, une commode jaunâtre (le sacrieur n'essaya pas de deviner d'où venait cette étrange couleur) et un parquet... Vert ?
Mais, comme le disciple de la douleur aimait le dire, A quelque chose malheur est bon... Désormais, il allait sans problème pouvoir amener l'émissaire de son ami à lui, et aucun doute ne survolerait sa tête...
Se concentrant, Terkës réussit à localiser le corback, enfin le cadran, de Kipem. Perché en haut de l'auberge du Piou massacré, il attendait sagement une ouverture à sa taille qui lui permettrait de rejoindre sa cible. Soudain, il s'agite de façon convulsive et irréel, et une sorte de voile noire l'entourant disparut, laissant apparaître à sa place sa forme initial. Derrière-lui, une petite goutte noire se reforma peu à peu, puis s'agrandit et l'enferma en son intérieur, en faisant une sousouris qui s'empressa de rejoindre le sacrieur par une petite ouverture destiné aux vermines de son espèce...
Bientôt, le disciple de la Sanglante Déesse tenant un parchemin entre ses mains, le lisant avec attention. Il acquieça, puis le rangea douceureusement dans une poche de sa longue tunique, et arbora un cruel rictus d'avidité. Il voulait boire un certain liquide rouge et, bientôt, il aurait à foison...